Le Nouvel An au Japon

Chaque pays possède des traditions propres pour fêter le réveillon et le Japon, avec une façon très spéciale de célébrer ce passage d’une année vers l’autre, ne déroge pas à la règle. Ce n’est pourtant que depuis 1873 que les Japonais fêtent l’événement au même moment que l’Occident, quand ils ont adopté le calendrier grégorien, puisque c’était jusque là le calendrier chinois qui dictait le changement d’année. Ils ont quand même gardé de ces traditions chinoises l’animal qui symbolise une année et 2018 sera à ce titre l’année du chien. Le Japon est même un des premiers pays du monde à sauter les pieds joints dans la nouvelle année, juste précédés par les petites îles du Pacifique, la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Mais le nouvel an japonais, appelé shyogatsu (正月) ou encore ganjitsu (元日) et gantan (元旦) qui indiquent plus spécifiquement le premier jour de l’an (le 1er janvier), ne saurait se limiter à la soirée du réveillon car toute la période est accompagnée de traditions et de rites particuliers qui rendent ce moment de l’année unique et qui en font la fête familiale la plus importante de l’année au pays du soleil levant.

La famille au coeur du réveillon au Japon

Oshogatsu お正月

Le nouvel an au Japon est une période très appréciée des Japonais et de leur famille. Elle est également marquée, comme durant la période de Noël en France, par des vacances bien méritées. Toutefois, ces vacances de fin d’année, ou pourrait-on dire de début d’année, sont plus particulièrement réservées aux employés des administrations ou des entreprises qui ferment leurs portes aux alentours de la fin de la dernière semaine de décembre jusqu’à la première semaine de Janvier. Les dates varient en fonction de l’entreprise. Ces vacances peuvent être l’occasion, pour ceux qui en bénéficient, de partir en voyage. Cependant, c’est la plupart du temps la période privilégiée pour se retrouver en famille. Et avant le début de la nouvelle année, il faut faire le grand nettoyage chez soi, appelé oosoji, afin de purifier sa maison et repartir sur de bonnes résolutions avec du propre. Si donc Noël est une fête à célébrer entre amis ou avec l’être bien-aimé, le réveillon ou en tout cas le jour de l’an se passe traditionnellement en famille au Japon ! Les Japonais profitent également de ce renouveau pour régler leurs dettes et liquider leurs affaires en cours.

Osechi-ryori おせち料理

Il est de tradition pour l’aîné(e) de la famille de recevoir chez lui le reste du clan. Ses parents (qui peuvent déjà vivre à longueur d’année chez lui comme le veut la tradition), ses frères, sœurs et leurs familles respectives se retrouvent tous chez lui (ou elle) dans sa maison fraîchement nettoyée. Cette réunion annuelle est importante et soude le clan autour d’un bon repas, normalement très arrosé, qui s’étale sur toute la journée. Pour l’occasion, les plats qui constituent le menu du jour sont spéciaux, de très grande variété et qualité. Appelés osechi-ryori, tous les grands magasins proposent à des prix plus ou moins chers ces succulents mets servis dans des boîtes spéciales de style bento mais plus grandes et luxueuses, appelées jubako.

Cette tradition remonte à plusieurs siècles en arrière (ère Heian de 794 à 1185) pendant laquelle il était interdit aux Japonais de cuisiner en début d’année, excepté pour le premier bouillon, et où il fallait préparer les plats à l’avance. L’osechi-ryori est souvent divisé en plusieurs sections avec une multitude de mets qui ont tous une signification en rapport avec l’événement, comme par exemple kazunoko, des oeufs de hareng, qui symbolisent le désir d’avoir des enfants pour la nouvelle année. Le repas n’est ainsi pas vraiment structuré, chacun se servant à son gré dans l’un des bento de luxe qui sont disposés sur la table.

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Otoshidama お年玉

La plupart des enfants reçoivent des étrennes, dans de jolies enveloppes décorées, de la part des membres de leur famille à la fin du repas. La coutume est d’origine chinoise et la réciprocité est de mise : les parents d’un enfant qui reçoit un otoshidama de ses oncle et tante en donneront à leur tour aux enfants de ces derniers. Leur montant varie en fonction de l’âge et devient de plus en plus important à mesure que l’enfant grandit. Il recevra par exemple 1000 yens chaque année avant ses 10 ans et 3000 yens après. Les grands-parents qui participent également aux étrennes reçoivent à leur tour une enveloppe pour l’année à venir qui contient aussi de l’argent.

Les décorations du Nouvel An japonais

Kadomatsu 門松

À cette période de l’année, on voit (à partir de la mi-décembre) de jolis objets décoratifs traditionnels qui représentent un support physique et temporaire pour le kami (dieu du nouvel an appelé toshigami) pendant la période des festivités. C’est en effet, avec ces végétaux que les Japonais confectionnent depuis toujours pour fêter le nouvel an, une façon d’attirer le bon sort dans leur foyer. Placés en principe devant la maison et par paire, avec une décoration de chaque côté de la porte ou du portail pendant la première semaine ou quinzaine de l’année, il s’agit d’un arrangement floral issu de l’ikebana (art floral japonais) qui représente la longévité et la santé. Ils peuvent être faits de bambous, de châtaigniers, de pins ou autres et leur taille varie en fonction de la richesse de la famille. Ses trois tiges de bambou en son centre, taillées en biseau et de hauteurs différentes, symbolisent le ciel, la terre et l’humanité. Les Japonais peuvent les fabriquer eux-mêmes mais les achètent bien souvent déjà faites. Le kadomatsu, qui peut recevoir offrandes et décorations de la part des invités, est brûlé à la fin de la période du nouvel an, la fumée qui s’échappe de l’ensemble végétal étant censée permettre au kami de repartir.

Shimenawa 注連縄

Il est de coutume également de mettre sur sa porte cette autre décoration qui sert, selon les croyances shintoïstes, de lien entre les kami et le monde terrestre. Il s’agit d’une corde de paille de riz, tressée de gauche à droite, qui marque en temps normal l’entrée des sanctuaires et délimite un espace sacré et purifié. Un rite shinto est appliqué pour le tressage de cette « corde serrée » qui peut être très imposante. Les Japonais utilisent la même corde en version miniature pour le nouvel an en mettant cette décoration sur leur porte, ce qui aura pour effet de protéger le foyer des mauvais esprits. La corde peut être ornée de divers objets à la symbolique porte-bonheur.

Kagamimochi 鏡餅

Le kagamimochi, qui signifie littéralement « gâteau de riz miroir » (miroir pour kagami et gâteau de riz pour mochi), est une décoration porte-chance d’un aspect esthétique et décoratif très agréable et qui a la particularité de pouvoir se manger à l’issue des fêtes. C’est en effet du mochi sous forme de deux boules (ou trois selon les régions) empilées et surmontées d’une orange amère japonaise, le daidai, symbolisant la pérennité de la famille de génération en génération. Les familles peuvent préparer elles-mêmes leurs kagamimochi ou les acheter déjà faits. Fabriqués de façon industrielle, les supermarchés en regorgent en cette période de fin d’année. Les mandarines (mikan) remplacent souvent le daidai et les kagamimochi se placent toujours en divers endroits de la maison. Mais attention à bien mastiquer la délicieuse pâtisserie avant de déglutir ! Sa texture gluante provoque chaque année des accidents, parfois mortels, surtout chez les personnes âgées souffrant de problème de mastication.

La nouvelle année japonaise et la religion

Hatsumode 初詣

C’est la première visite au temple ou au sanctuaire de l’année. Les Japonais ont deux religions principales, le bouddhisme et le shintoïsme, mais ne sont pour la plupart pas attachés à l’une plutôt qu’à l’autre. Cela peut commencer le 31 décembre, dernier jour de l’année appelé omisoka quand, après avoir savouré une délicieuse soupe chaude avec des nouilles longues et fines qui symbolisent la longévité, les Japonais se rendent dans un temple bouddhiste pour assister aux 108 coups de gong.  Censés représenter les 108 tentations que l’être humain doit affronter avec succès pour atteindre le nirvana, ils annoncent ainsi l’arrivée de la nouvelle année. Comme la période est particulièrement importante pour faire une prière, certaines personnes préfèrent en effet aller au temple pour commencer l’année sous les regards bienveillants des dieux. Ils n’hésitent pas à braver le froid et à attendre longtemps pour avoir ensuite le privilège de frapper la cloche à leur tour avec l’énorme rondin de bois attaché au mécanisme.

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Si cette première visite en lieu sacré de l’année se présente plus comme un rite social qu’une pratique religieuse, elle est très suivie. Les trois ou quatre premiers jours de l’année voient ensuite des foules de fidèles venir se recueillir devant les divinités, faire des offrandes, prier pour  la santé de leur famille, la réussite, le bonheur et se purifier à l’encens. Les familles qui se rendent ainsi en grande tenue dans les temples et les sanctuaires vont aussi y boire le toso, le premier saké de l’année, confectionné à partir d’herbes médicinales, dans le but d’avoir une bonne santé tout au long des douze mois qui suivent. Cette pratique peut aussi se faire à domicile.

Omikuji 御神籤・御御籤・御仏籤

Durant la première visite du temple ou du sanctuaire, la tradition de l’omikuji est également respectée. C’est littéralement une « loterie sacrée » ! La pratique peut légèrement différer selon les lieux mais généralement, après avoir déposé 100 ou 200 yens dans une urne, on retire d’une boîte soit un numéro correspondant à un omikuji à récupérer dans des casiers, soit directement l’omikuji enroulé. Sur ces morceaux de papier que le hasard (et donc le divin) détermine, est inscrite une divination à propos de ce que réserve l’année à venir. Celle-ci peut porter sur la santé, le travail, la famille, les relations, la réalisation des projets ou la fortune. “daikichi” est la meilleure divination quand “daikyo” prédit des choses moins agréables. Il ne faut pas garder ces dernières et les laisser derrière soi en les accrochant à un espace réservé pour conjurer le mauvais sort. On peut aussi laisser sur des ema des vœux pour espérer les voir se réaliser durant l’année qui se profile. La photo d’illustration montre à quoi ressemblent les ema et un voyage en vidéo au sanctuaire shinto Hikawa Jinja de Saitama permet de mieux apprécier en image ces traditions auxquelles les Japonais sont attachés.

Hamaya 破魔矢

Les hamaya sont littéralement des « flèches tueuses de démons ». Ce sont des flèches décoratives que les Japonais achètent dans les sanctuaires au nouvel an. Censées protéger contre le mauvais sort, elles servent de porte-bonheur dans une maison. C’est la raison pour laquelle les Japonais n’hésitent pas à faire la queue très longtemps avant de pouvoir se procurer les flèches sacrées. La coutume consiste ensuite à placer une hamaya et l’arc correspondant (hamayumi) aux coins nord-ouest et sud-est des nouvelles maisons. Les démons et les influences néfastes étant associés aux directions sud-ouest et nord-est dans la mythologie japonaise, les hamaya sont conçues pour s’en protéger.

Les autres traditions japonaises du réveillon

Hatsushinode 初日の出

Hatsushinode signifie littéralement « premier lever de soleil de l’année » car il est de tradition au Japon de se lever à l’aube pour assister à ce moment précieux et unique, surtout quand on pense que beaucoup d’autres pays du globe sont encore dans l’année précédente à ce moment-là. Dans le shintoïsme, l’astre solaire est très important et doit être vénéré. L’empereur se doit ainsi de rendre hommage à la déesse solaire tous les premiers jours de l’année en la priant, afin d’avoir bonne santé. Ce n’est que durant l’ère Meiji (1868-1912) que la population japonaise reprit cette tradition jusque là imposée à l’empereur. À la fête du réveillon des sociétés occidentales, qui peuvent aussi finir à l’aube, est ainsi privilégié au Japon un réveil matinal pour aller scruter les premières lueurs des rayons du Soleil, accompagnées de prières et de vœux de bonheur pour l’année à venir.

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Le Mont-Fuji, lieu unique pour un tel spectacle, est inaccessible à cette période de l’année mais l’observation peut s’effectuer en tout lieu où l’horizon est suffisamment dégagé pour permettre aux matinaux d’apprécier pleinement l’arrivée du soleil de la nouvelle année. Ainsi, le sommet d’une autre montagne ou le toit d’un immeuble sont des lieux privilégiés par beaucoup, encore que la plage soit également prisée pour le large panorama qu’elle offre. De même, la Skytree Tower, du haut de ses 634 mètres, ou l’observatoire du Tokyo Metropolitan Office de Shinjuku se présentent comme les endroits les plus remarquables de la capitale nippone. La mairie de Tokyo offre d’ailleurs chaque année, par tirage au sort, à quelques centaines de personnes l’opportunité d’assister au premier lever de soleil du haut de ces bâtiments. Encore que certains seront au même moment en train d’attendre que les magasins ouvrent pour pouvoir se procurer les premiers lucky bags de l’année, une autre tradition de début d’année au Japon.

Nengajyo 年賀状

Il s’agit de la traditionnelle carte pour la nouvelle année grâce à laquelle les Japonais souhaitent leurs meilleurs vœux aux membres de leur famille, leurs amis, collègues de travail, patron ou toute autre personne de leur entourage. C’est aussi une façon d’affirmer le souhait de garder intacte la relation avec la personne au cours de la nouvelle année. Elles doivent arriver si possible le 1er janvier ou au moins avant le 7. Les bureaux de poste, konbini ou supermarchés en vendent par centaines en décembre et sous plusieurs formats, avec des motifs aussi variés que des symboles porte-bonheur, l’animal de l’année (le chien pour 2018), un personnage d’anime (Snoopy, Doraemon, Hello Kitty, Disney…) ou tout autre motif (paysage, sport, art, fleurs, plat, loisir…) choisi en fonction des goûts du ou de la destinataire.

Une famille japonaise enverrait en moyenne 50 à 100 cartes chaque année. Comme dans la plupart des pays, même si la tradition de la carte de vœux perdure, elle a tendance à se pratiquer de moins en moins, les plus jeunes préférant utiliser les nouveaux moyens de communication, plus faciles, rapides et économiques, des messages électroniques ou téléphoniques. Encore qu’on trouve aussi dans les bureaux de postes des paquets Kit Kat adaptés au format des cartes et qui peuvent s’envoyer tels quels avec message et adresse inscrits dessus. Il est en effet devenu traditionnel d’offrir le chocolat de cette marque à l’approche d’examens ou de la nouvelle année pour souhaiter la réussite.

S’il existe aussi, à côté de la façon traditionnelle de célébrer la nouvelle année en famille au Japon, la voie plus occidentale qui consiste à se réunir entre amis ou collègues pour le réveillon, la fête familiale la plus importante de l’année conserve ses traditions et coutumes intactes. Les nippons enfin ont deux façons de souhaiter bonne année en japonais. Avant le 31 décembre, ils disent yoi otoshi wo et à partir du 1er janvier akemashite omedeto qui pourrait se traduire par « félicitations pour la nouvelle année », gozaimasu  étant à rajouter à la fin de l’expression s’il y a besoin de marquer la politesse !